CALLAS FOREVER

 

 

Maria Callas et Franco Zeffirelli, en 1958, lors des représentation de La Traviata, à Dallas

Distribution

  Scénaristes Martin SHERMAN et Franco ZEFFIRELLI

  D'après une histoire originale de Franco ZEFFIRELLI

  Producteurs Riccardo TOZZI & Giovannella ZANNONI

  Producteur associé Pippo PISCIOTTO

  Directeur de la photographie Ennio GUARNIERI, A.I.C.

 

Maria Callas Fanny ARDANT

Larry Kelly Jeremy IRONS

Sarah Keller Joan PLOWRIGHT

Michael Jay RODAN

Marco / Don José Gabriel GARKO

Scarpia Justino DIAZ

Esteban Gomez Manuel de BLAS

Gérard Jean DALRIC

Bruna Anna LELIO

 

Brendan Steven BILLINGTON

Marcello Alessandro BERTOLUCCI

Thierry Olivier GALFIONE

Escamillo Roberto SANCHEZ

Ferruccio Achille BRUGNINI

Eugene Eugene KOHN

Frasquita Maria Del MAR RIVAS

Mercedes Concha LOPEZ

 

- Synopsis -

1977. Maria Callas, la plus grande star lyrique que le monde ait jamais connue, vit recluse dans son appartement parisien. Bien que sa voix ne soit plus celle de ses belles années, un ami producteur, Larry Kelly, lui propose d’interpréter "Carmen" dans un film, en synchronisant, grâce aux tous nouveaux développements techniques, la voix de l’âge d’or de Maria aux images actuelles. Tout d’abord hésitante, elle accepte finalement le projet, avec le soutien de Sarah, son amie journaliste. "Carmen" tourné, Larry essaie de convaincre Maria de se prêter de nouveau à cet exercice avec "Tosca". Mais, ne supportant plus de poursuivre dans le mensonge, elle exige cette fois-ci de chanter avec sa voix d’aujourd’hui. Les associés de Larry refusent…

 

- COMMENTAIRE & ANALYSES -

 

Avec Callas forever, Franco Zeffirelli poursuit, en un sens, la fresque plus ou moins autobiographique entamée avec Tea with Mussolini ; sa rencontre avec Maria Callas n'ayant pas été pour lui moins essentielle, tant sur un plan personnel que sur un plan artistique, que sa rencontre avec Luchino Visconti ou avec Anna Magnani. Mais vouloir consacrer un film à Maria Callas n'était pas une entreprise sans risques ni périls.

Il y a d'abord les sentiments passionnels que la diva, par-delà la mort, continue d'inspirer ; il y a aussi les légendes auxquelles ont donné lieu sa carrière ainsi que sa vie privée ; il y a enfin qu'il est toujours malaisé de transformer en personnage de fiction une célébrité dont l'image, la voix, la présence demeurent encore proches de nous. Et puis, peut-être y a-t-il aussi que toute biographie - écrite ou filmée -  tend inévitablement à faire de l'artiste qui en est l'objet un être humain, trop humain. Or ce qui demeure, lorsque l'artiste a disparu, c'est son art : lui seul importe, lui seul témoigne pour la postérité d'une présence qui n'est plus là... Mais comment évoquer, sinon rendre, dans un film de fiction, l'art de la cantatrice et de la tragédienne que fut Maria Callas ?

Prenant le parti de la fiction - puisque, à moins de proposer un documentaire, il ne pouvait s'agir que de cela -, Franco Zeffirelli a rejeté d'emblée l'idée du film biographique, pour s'orienter vers un jeu de miroirs/jeu de regards, auquel, de par sa nature même, le cinéma se prête idéalement.

Histoire d'un film fictif donnant lieu à un film de fiction, Callas forever multiplie par conséquent les enchâssements, comme pour suggérer le caractère insaisissable, en définitive, de son personnage. Mais de là aussi un questionnement sur l'illusion artistique - sur la signification des conventions (à commencer par les conventions si "artificielles" qui régissent le genre lyrique) et  leur rapport à l'authenticité. Autrement dit : Comment, par quelle opération alchimique - et non pas technologique - le faux peut-il devenir vrai, au point d'acquérir un pouvoir qui nous fascine à ce point, qu'il finit par nous bouleverser ?

- Et de là, aussi, le portrait d'une femme, fondamentalement seule, posthume avant même d'être emportée par la mort, dont les exigences semblent tout à la fois si décalées et si vaines, mais dont la rigueur et la fermeté fondent précisément un art qui, sans cela, ne saurait ni trouver sa légitimité ni même, sans doute, exister.

Moins qu'un film dédié à la mémoire d'une diva, Callas forever traduit le regard de Franco Zeffirelli sur son propre souvenir de Maria Callas, sur l'influence qu'elle a exercée lui, sur ce qu'elle lui a appris à exiger de lui et des autres sur une scène lyrique. On ne peut être à cet égard que frappé par les allusions aux autres films du réalisateur qui ponctuent Callas forever. Il est ainsi une scène que l'on dirait sortie tout droit de La Traviata, portée à l'écran par Zeffirelli en 1982; une scène qui, précisément, se déroule sous le regard indiscret et voyeur du "producteur"...

S'ouvrant sur des images assez laides, très "années 70", baignées par une musique tonitruante, le film met aussi l'accent sur le décalage de l'art lyrique dans le monde moderne, dont un jeune peintre, qui apparaît à l'écran dès les premiers plans, semble avoir ici pour fonction de souligner la "surdité" congénitale...  Et tandis que les "effets spéciaux" ont acquis un réalisme tel qu'il sera bientôt impossible de discerner le "vrai" du "faux", quelle chance reste-t-il à l'art lyrique de perdurer? C'est ce que paraît se demander Franco Zeffirelli, à travers son évocation de celle qui, par l'investissement total qui était le sien dans les personnages qu'elle incarna sur scène, parvenait précisément à les rendre totalement crédible. Mais un tel investissement crée aussi le vide autour de soi : deux êtres, rendus à leur propre solitude, se trouvent ainsi convoqués, côte à côté, sur le devant de la scène, à la fin de Callas forever, avant d'aller chacun son chemin... Car chacun a fait un rêve ; l'espace d'un moment, ils ont cru que leur rêve coïncidait, mais il n'en est rien. Chacun partira, avec ses propres souvenirs, ses propres regrets ou ses espoirs... La beauté - celle d'un jeune peintre, d'un chanteur, de Callas ou de Carmen - attire, captive, transporte... mais ne saurait se laisser posséder sans conserver toute sa liberté, sans nous échapper, par conséquent, et à l'instant même où l'on s'imagine la tenir.

Dans aucun autre de ses films, Franco Zeffirelli n'avait poussé aussi loin la réflexion - à la fois distanciée et un peu ironique - sur sa propre démarche d'artiste. Il faut noter à cet égard l'opposition qui se traduit dans l'esthétique des décors en présence : l'appartement très "zeffirellien" de Maria Callas, avec ses tentures, ses tapis, ses lourds rideaux, sa profusion de fleurs et de cadres, créant un mode clos sur lui-même, fermé au monde extérieur où, pourrait-on supposer, la vie se déploie, pleine et entière... Pourtant, il s'avère qu'il n'en est rien. Si l'univers dans lequel s'est enfermée Maria Callas, pour y re-vivre sans cesse la Maria Callas qu'elle fut, à l'instar de l'héroïne du célèbre Sunset Boulevard de Billy Wilder, la vie n'est pas moins fausse dans cet univers que dans l'autre, où chacun semble vivre en se croisant sans jamais parvenir à se rencontrer véritablement. Et il est un fait que par la magistrale interprétation de Fanny Ardant, s'il est un personnage du film qui, plus que tout autre, semble présent, ici et maintenant, tandis qu'elle se livre corps et âme à son art, c'est bien, en définitive, Maria Callas.

------- à suivre ! -----

© Philippe Hemsen

 

 VOIR LE TRÈS BEAU SITE CONSACRÉ A MARIA CALLAS : http://callas.free.fr